« Allô ma poule, c’est ta matante… hier un chardonneret était dans mon jardin, je suis sûre que c’est ta mère qui venait me faire un signe… elle me manque… «
Combien de fois ma tante m’a parlé des chardonnerets que ma mère aimait tant ? Et combien de fois a-t-elle déploré le départ de sa soeur, sa cadette de six ans partie comme ça, pfffttt ?
C’était il y a vingt ans aujourd’hui. Et aujourd’hui quand je vois des chardonnerets dans mon jardin, je pense à ma mère et ma tante aujourd’hui réunies, ailleurs.

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On ne peut pas oublier une femme comme ma mère. Généreuse et attentionnée, elle a tout donné à son époux et ses enfants, jusqu’au bout.
Et pour finir, ce sont ses organes qui ont été offerts à des inconnus. C’est à travers ce témoignage que j’aimerais qu’on se souvienne d’elle. Elle aura été une sœur aimée, une épouse aimante, une mère et une grand-mère toujours présente. Elle aurait eu quatre vingts ans en mars dernier.

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Au moment de l’annonce du décès de mon père et sous l’effet du choc, ma mère a été victime d’une hémorragie méningée le 16 mai 1999.
Après quelques jours de coma, elle semblait remonter la pente, mais était surveillée par les médecins comme le lait sur le feu : pendant une quinzaine de jours après une première hémorragie, le diagnostic restait réservé.
Malheureusement, moins de deux semaines après la première, ma mère a subi une deuxième hémorragie méningée à laquelle elle ne devait pas survivre. Elle décèdera au bout de huit jours de coma.
Pendant ces huit jours, et suite aux divers entretiens privés avec les médecins réanimateurs, nous nous sommes posé la question, mon frère, ma soeur et moi : « et si on nous demande pour le don d’organes, qu’est-ce qu’on fait ? ».
Nous pensions peu probable que l’on nous pose la question pour les organes de notre mère, âgée de 60 ans. Mais puisque nous étions dans le service de réanimation de neurochirurgie sur les murs duquel étaient épinglées plusieurs affiches d’information, nous étions donc conduits à réfléchir sur le sujet.
Et naturellement, la réponse était : « Si on nous demande, il faut dire oui ».
Il faut préciser que plusieurs fois au cours de sa vie, en plaisantant, ma mère avait dit : « Quand je mourrai, je veux qu’on m’enlève mon coeur, pour ne pas être enterrée vivante ! » Outre cette boutade, elle s’était à plusieurs reprises prononcée pour le don d’organes.
Le 4 juin au matin, j’ai été contactée par le médecin réanimateur qui suivait ma mère :elle était décédée. Elle avait subi deux électroencéphalogrammes qui s’étaient révélés plats, la mort cérébrale était prononcée. Elle avait l’apparence de la vie, uniquement maintenue par les appareils d’assistance respiratoire. Il voulait notre accord pour le prélèvement d’organes.
Nous avons pu voir notre mère en début d’après-midi … elle était comme les jours précédents. Nous avons pu lui dire au revoir. Le corps devait partir au bloc opératoire à 15 heures. A partir de ce moment là, nous avons été assistés par une infirmière coordinatrice (une jeune femme sensible et très à l’écoute des enfants un peu paumés que nous étions).
Après le prélèvement, elle nous a informés que le cœur, le foie, un rein, les cornées avaient été prélevés, et que le corps de notre mère avait été transféré au centre funéraire où nous pourrions la voir dès le lendemain.
Mon frère, ma soeur et moi redoutions cette visite. Dans quel état allions nous retrouver notre mère ?
Mon frère est entré le premier dans le petit salon. Il a sursauté et fait un pas en arrière. Ma sœur et moi nous attendions au pire. Et si elle était méconnaissable ? Et si elle avait été abîmée par les prélèvements ?
En fait, ce qui a choqué notre frère, c’est que notre mère était belle comme elle ne l’avait plus été depuis longtemps. Le masque de souffrance qu’elle avait arboré durant toute l’agonie de notre père s’était envolé. On aurait dit une poupée de porcelaine. Qu’elle était belle et paraissait si jeune !
Les médecins avaient fait très attention à restituer à ses enfants un corps présentable, et les thanatopracteurs du centre funéraire de Grenoble avaient fait un travail remarquable.
Si vous avez un doute aujourd’hui, je peux vous dire de ne pas avoir peur : le corps de la personne vous sera restitué tel que vous l’aimiez, même si les organes vitaux ont été prélevés.
Une dizaine de jours après le décès de ma mère, j’ai été appelée par l’infirmière coordinatrice qui nous avait si humainement assistés dans notre démarche. Le cœur de ma mère battait dans la poitrine d’une femme de 63 ans, son foie avait été greffé à un homme d’une quarantaine d’années. Je n’ai pas eu de détails pour les cornées et le rein. Quant aux vaisseaux, ils avaient été mis en culture et serviraient pour des interventions chirurgicales futures.
Ma mère n’est pas morte pour rien, et même si je ne saurai jamais si les receveurs ont survécu à leur greffe, il m’est bon de savoir que plusieurs familles ont eu un jour de l’espoir grâce à elle.
Voir également : Quinze ans aussi
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Je sors aujourd’hui de cette période la plus difficile de l’année. Pour beaucoup, les fêtes de fin d’année sont compliquées. Pour moi, c’est cette période du printemps qui pourtant devrait être heureuse puisque le 2 juin nous fêtons notre anniversaire de mariage.
Depuis vingt ans, je n’en ai plus le goût. Et cette année encore, la fête n’a pas eu lieu, même pour marquer nos quarante ans.

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A bientôt !
Catherine
On n’a qu’une maman et quelque soit l’âge, quand elle est partie sous d’autres cieux, elle manque toujours.
Il reste les souvenirs et les petits signes qui nous relient à elle.
Une maman ne s’oublie pas.
💕
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Bisous Catherine.
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Une témoignage très émouvant !
Douces pensées Catherine, bisous
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Très beau geste de la part de votre maman et très beau geste de votre part aussi
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Texte très touchant, que dire de plus ?
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Très touchée par ce texte ! Qu’elle avait l’air gentille, ta maman ! On comprend d’où te vient ta belle âme 🙂
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